Points de vue

Migration sur un nouveau système informatique

La migration du système d’exploitation bancaire sur une nouvelle plateforme est un exercice long et périlleux, qui demande des ressources exceptionnelles. L’engagement de toute l’équipe est concerné.

Interview croisée Nadine Cuany Responsable Informatique R&T de la CER, Alexandre Gauthier-Jaques Directeur de la CER et Patrick Vogt Chief Product Officer Finstar, HBL.

Nadine Cuany : Monsieur le Directeur, quels sont les éléments qui vous ont poussé à vous déterminer sur une nouvelle migration informatique ?

Alexandre Gauthier-Jaques : Ce fut une décision stratégique. Bien que la dernière migration était relativement récente (nous avons migré de la plateforme OSIRIS à FINNOVA le 31 décembre 2012), nous avons constaté après quelques années que FINNOVA offrait peu de souplesse et qu’au sein de la communauté FINNOVA, une petite banque comme la nôtre n’avait pas de marge de manœuvre. Notre modèle d’affaires évolue vers des solutions sur mesure pour notre clientèle. Notre système d’exploitation et de production, le logiciel informatique bancaire, se doit donc d’être flexible, tout comme le prestataire avec lequel nous travaillons.

En outre, au fil du temps la CER perdait peu à peu avec FINNOVA le contrôle des coûts informatiques. L’outil dans sa globalité devenait de plus en plus onéreux. Je rappelle aussi que notre système d’exploitation informatique était implanté in situ, et qu’une solution d’externalisation devait permettre de diminuer certains risques opérationnels.

NC : Votre choix s’est porté sur la solution développée par la banque Hypothekarbank Lenzburg AG (HBL) et son logiciel FINSTAR. Pour quelles raisons ?

AGJ : La solution déployée par HBL ne nous était pas inconnue. En effet, le logiciel FINSTAR était l’un des deux finalistes lors de notre précédente migration. A cette époque, FINNOVA offrait des garanties supérieures lesquelles assuraient une certaine continuité avec OSIRIS. Depuis, HBL a considérablement développé sa solution bancaire. Cette banque est à la pointe de la technologie, elle est devenue une référence au sein de la communauté des Fintech par exemple. De taille raisonnable par rapport à la nôtre, HBL s’est montrée à l’écoute et surtout disposée à évoluer ensemble et coconstruire.

NC : Comment aborde-t-on un projet d’une telle envergure que représente une migration informatique ?

AGJ : Une migration est l’une des étapes les plus difficiles que traverse une banque. C’est en effet toute la chaîne de production qui est bouleversée. Il faut bien se rendre compte, et je le rappelle souvent à notre clientèle, que pour une banque l’informatique est l’élément central qui conditionne toutes les opérations. Lors d’une migration au sein des équipes le choc est conséquent. La direction générale projette aussi de revoir l’ensemble des processus de travail car une période de migration y est propice. A la CER, de surcroît, nous avons coutume de travailler en équipes. Pour aborder un tel projet, nous désignons des responsables par métier et tous les collaborateurs sont impliqués. Nous pourrions opter pour une gestion de projet externalisée, mais ce n’est pas une alternative car elle déresponsabilise le collaborateur, le tient éloigné de l’outil qu’il va utiliser au quotidien et dévalue son esprit d’entreprise. Dans notre cas, durant une migration, l’effort individuel est donc important. C’est par l’engagement de chacun dans le projet qu’on suscite l’adhésion puis l’adoption du changement sans condition. Après chaque migration, je constate que l’esprit d’équipe est considérablement renforcé.

NC : Qu’avez-vous modifié par rapport à la précédente migration en termes d’organisation ?

En réalité, peu de chose. Car l’organisation avait parfaitement fonctionné. Si ce n’est d’aller encore plus loin dans une organisation de projet intégrée en nommant une collaboratrice responsable du projet de migration. Fonction que vous avez parfaitement assurée ! Avec vous au centre, nous avons maintenu les acquis et renforcé le rôle de back-up endossé par le chef de projet qui nous avait accompagné lors de la précédente migration.

Alexandre Gauthier-Jaques : Pour évoquer plus en détail le projet de migration, nous accueillons en visioconférence M. Patrick Vogt, chef des produits Finstar avec lequel vous avez collaboré en votre qualité de cheffe de projet. Bienvenue à vous ! Afin de préparer un projet d’une telle envergure quand commencent les discussions en termes d’organisation ?

Patrick Vogt : Pour ma part, je suis entré en discussion avec la CER dans le courant du printemps 2020 afin d’apprendre à vous connaître. Le kick-off a eu lieu en juin 2020, donc entre 9 et 10 mois avant le « Go Live ». Durant cette phase préliminaire, le projet entre rapidement dans un mode sérieux et des échanges téléphoniques ont lieu chaque semaine afin de le structurer de manière professionnelle. En ce qui me concerne, à ce stade je suis déjà impliqué à plus de 30% de mon temps et notre activité s’articule sur 5 flux tels que l’infrastructure, la migration des données, la formation et la partie commerciale. Cela représente une mobilisation des ressources estimée entre 500 et 600%.

AGJ : Et de votre côté Mme Cuany ?

NC : Après la phase commerciale et la conclusion des contrats de migration, le projet a débuté en mars 2020. Cela signifie que le projet est initié 9 à 12 mois avant le Cutover. J’ajoute qu’il se poursuit durant 6 à 9 mois après la migration. Nous avons travaillé dans la continuité avec l’équipe qui était en place depuis la précédente migration, que nous avons renforcée en intégrant de nouveaux collaborateurs.

PV : En termes de ressources, l’organisation côté HBL a évolué par vagues pour atteindre un pic en décembre 2020 et janvier 2021 afin de préparer un système qui puisse être testé par la CER. Puis on est entré en mars 2021 dans une nouvelle période d’adaptation en collaboration avec vos équipes. C’est la période la plus épuisante pour nous. L’intensité retombe deux semaines avant le Cutover, une période qui est consacrée aux derniers préparatifs.

NC : Du côté de la banque, cette succession de vagues est bien perceptible et on constate un dé- calage de 2-3 semaines entre le rythme du team de projet côté HBL et notre équipe de la CER. Des deux côtés, les pics de pression s’alternent presque symétriquement. Cela se constate aussi par le temps nécessaire à résoudre les problèmes. Alors qu’il faut 2 semaines au début du projet, le temps de résolution se raccourcit drastiquement au fur et à mesure qu’on s’approche de la bascule. On atteint alors un temps de résolution inférieur à un jour. Le phénomène s’inverse après le Cutover, ce qui est un bon signe, car cela dénote que les points urgents ont été résolus.

AGJ : En mars 2021, la CER a pourtant décidé de reporter la date du Cutover d’un mois, au 30 avril. Vous souvenez-vous de votre impression d’alors ?

PV : Ce fut en premier lieu une surprise, puis un sentiment que la décision prise était la bonne. Cela a permis de vivre une migration plus sereinement. 

AGJ : J’imagine que l’organisation d’un tel projet nécessite des adaptations ?

PV : Sans aucun doute. Je dirais que l’adaptation la plus forte a été la résultante de la langue utilisée pour travailler. HBL a largement sous-estimé l’importance de cet aspect. Nous avons dû adapter notre organisation en conséquence. Tant que la collaboration en est au stade initial, la différence de langue n’est pas significative, on parvient toujours à se comprendre. Mais lorsqu’arrive la phase de migration des données, cela exige un tel degré de précision que la situation n’est plus gérable. Car une mécompréhension technique peut avoir un impact considérable.

AGJ : Est-ce un problème de langue ou de culture ?

NC : La problématique de la langue était effectivement la plus importante. Entre le français, l’allemand et l’anglais, une incompréhension pouvait prodiguer ses effets là où on ne l’attendait pas. A un certain moment, le niveau de subtilité devient tel que l’on pourrait s’attendre à des réactions de part et d’autre. Une différence de culture n’a jamais été constatée. En revanche, la question de la langue de travail a été prise en compte entre Patrick et moi, à chaque fois que deux personnes devaient parler ensemble. Nous avons même eu des sessions en italien et en espagnol ! Cet ajuste- ment était nécessaire et bienvenu.

PV : Le fait que nous sommes des petites équipes focalisées sur le travail à entreprendre et clairement tournées vers la résolution des problèmes, n’a en effet pas révélé de différence culturelle.

AGJ : Comment avez-vous vécu ces adaptations côté CER ?

NC : Ce projet était incontestablement le plus important depuis le début de ma collaboration au sein de la CER. Il a fallu fédérer les équipes, établir et livrer les formations internes chaque semaine en début de matinée et en soirée pour ne pas empiéter sur les horaires voués à la clientèle, assurer la collaboration des Key Users dans le travail d’équipe et repérer les manquements organisationnels.

AGJ : Avec le recul, que feriez-vous différemment ?

NC : Peut-être débuter plus tôt dans la phase de configuration, obtenir des données plus en amont. Car le temps passé à la traduction a été très conséquent.

PV : Je partage le même sentiment. Nous sommes entrés dans un projet germanophone en réalité. Et le temps passé à trouver des solutions a été freiné par la problématique de traduction et de compréhension mutuelle.

AGJ : Il y a un autre élément significatif que nous n’avons pas encore évoqué. L’entier du projet s’est déroulé durant la pandémie COVID-19… Nous signions les contrats fin février 2020, quelques jours avant la survenue du premier confinement. Avec quel impact ?

PV : Cela peut paraître singulier, mais je dirais que le COVID a facilité notre travail de migration ! Nous avons instantanément collaboré via des conférences téléphoniques. Trois heures de trajet nous séparent entre Vevey et Lenzburg. Ce temps allait être gagné. Aussi étrange que cela puisse paraître, la situation a simplifié notre collaboration.

NC : Je partage pleinement ce constat. Puisque nous allions faire face à tout moment à l’absence de l’un ou l’autre des collaborateurs atteint directement ou indirectement par la maladie, nous devions mener nos actions de manière rapide et efficace.

AGJ : M. Vogt, je crois savoir que vous avez migré une autre banque récemment, est-ce que le projet de migration avec la CER vous a été utile dans ce nouveau projet ? Avez-vous pris des éléments avec vous ?

PV : Oui, plus ou moins tout (rires). Nous avons repris la même organisation, car les tâches à effectuer sont les mêmes. Le projet de migration de la CER a fixé un modèle de référence pour les migrations futures. Nous avons et allons bénéficier de cela. Nous allons continuer d’affiner l’approche certes, mais la base est solide.

AGJ : Cette expérience accumulée des deux côtés est sans doute aussi due à la complexité et la variété du modèle de la CER, qui est peut-être exceptionnel en rapport avec sa taille. Qu’en pensez-vous ?

NC : En effet, on peut compter un rapport de 1 :3 entre le nombre de personnes avec une spécialisation-type au sein de la CER versus HBL. La structure de la CER est organisée de manière transversale, avec des collaborateurs qui sont affectés à de nombreuses tâches ou fonctions. Dans une organisation plus verticale, on retrouve plusieurs personnes qui se partagent une tâche particulière. Il peut donc y avoir des situations où plusieurs interlocuteurs côté HBL sont en face du même collaborateur de la CER.

PV : J’ai été vraiment surpris par le modèle de la CER. Nous avons les mêmes domaines d’activité, que ce soit de banque de détail, de banque privée, de crédit, etc. mais la CER représente 10% de l’effectif de HBL. La CER parvient à réaliser l’ensemble et avec succès. Il faut trouver les personnes qui sont capables de comprendre les processus dans leur ensemble. Au sein de HBL les processus sont répartis entre plusieurs équipes. Le fait qu’un Key User de la CER assume plusieurs tâches simultanément est exigeant pour lui.

AGJ : Si vous aviez un conseil à donner ?

PV : La question est difficile. Je dirais ne changez rien. Vous parvenez à couvrir l’ensemble des métiers de la banque avec 20 personnes. Oui, peut-être de croître via la digitalisation et l’offre à la clientèle. 

Avec le système d’exploitation FINSTAR, votre banque a un nouveau cœur.

Une fois que la phase de convalescence sera terminée, vous bénéficierez de cette nouvelle plateforme de travail et d’évolution. Mon conseil serait de ne pas vous arrêter, de nous challenger, demander des améliorations. Et nous HBL essaierons de satisfaire à vos demandes.

NC : Pour ma part, je dirais qu’il faut conserver l’agilité de FINSTAR dans une organisation d’Account Management professionnelle et la proximité avec les banques partenaires. C’est ce qui fait que FINSTAR est si différent.

AGJ : Pour conclure, M. Vogt pour HBL et Mme Cuany pour la CER, dites-nous quel est votre meilleur souvenir de la migration de la Caisse d’Epargne Riviera ?

PV : C’est la réaction du CFO de la CER lorsqu’il a constaté que la différence du bilan après la migration était de 7 centimes sur des millions d’écritures migrées ! Il s’est exclamé en disant : « 007, nous sommes tous des James Bond ! » C’était extrêmement valorisant.

NC : Pour ma part c’était le matin du mardi 4 mai 2021. Il est 7h. Tous les collaborateurs de la banque sont présents à la cafétéria. On se regarde. Et le « Go Live ! » est donné. Une sensation qui coupe le souffle.

AGJ : Au nom de la CER, je vous remercie de ce partage. Je suis particulièrement fier de l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs de la banque. Le Conseil d’administration et la direction sont très reconnaissants d’avoir pu compter sur les équipes hautement professionnelles de HBL et de la Caisse d’Epargne Riviera.                   

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